Scroll Top
blue-moon-safari-vegyn

Moon Safari : quand Vegyn revisite le chef-d’œuvre d’Air… pour le meilleur ou pour le superflu ?

Le 11 avril 2025, à l’occasion du Record Store Day, Vegyn a dévoilé Blue Moon Safari, une réinterprétation complète de l’album culte Moon Safari du duo français Air, 25 ans après sa sortie. Une initiative ambitieuse, qui interroge autant qu’elle intrigue. Peut-on réellement revisiter une œuvre aussi fondatrice sans en trahir l’essence ? Peut-on apporter quelque chose de neuf à un disque déjà considéré comme intemporel, voire sacré ? Retour sur une relecture qui divise, entre hommage respectueux et exercice de style.

Moon Safari, icône de la French Touch

Sorti en 1998, Moon Safari s’est imposé comme une pièce maîtresse de la French Touch. Avec ses textures aériennes, ses basses douces, ses claviers analogiques et son esthétique lounge futuriste, l’album a marqué un tournant dans la musique électronique française, et au-delà. Des titres comme « La Femme d’Argent », « Sexy Boy » ou « All I Need » sont rapidement devenus des classiques. L’album, produit par Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, a su conjuguer élégance pop et audace électronique, contribuant à l’exportation du son français sur la scène internationale.

Pour célébrer les 25 ans de cet album culte, le duo versaillais s’est même rabiboché pour offrir à ses fans une tournée pour redécouvrir l’album dans son entièreté et un best-of du groupe en version Live.


Vegyn, producteur à contre-courant

Pour revisiter une œuvre aussi emblématique, il fallait un artiste à la personnalité forte. Vegyn — alias Joe Thornalley — n’est pas un inconnu : producteur londonien réputé pour ses collaborations avec Frank Ocean ou Travis Scott, il incarne une forme d’électronique déstructurée, instinctive, glitchée, souvent plus cérébrale qu’hédoniste. En acceptant l’invitation du label Aircheology pour produire une toute nouvelle version de Moon Safari, il a fait le pari d’appliquer sa grammaire expérimentale à un univers à l’esthétique beaucoup plus douce et harmonieuse.

Blue Moon Safari : une relecture complète, pas un simple remix

Loin d’un projet de remix traditionnel, le Blue Moon Safari de 2025 se présente comme une réinvention de l’album original. Chaque morceau a été déconstruit, puis réassemblé selon les codes esthétiques propres à Vegyn : nappes sonores troublées, beats cassés, ambiance minimaliste voire abstraite. Le résultat ? Une version introspective et parfois méconnaissable du Moon Safari que l’on connaît.

Certains morceaux, comme « Ce Matin Là », perdent leur douceur pastorale au profit d’un traitement plus sombre, presque granuleux. D’autres, comme « New Star in the Sky », gagnent en mystère mais perdent en lisibilité mélodique. C’est à la fois déroutant… et parfois frustrant.

La question centrale posée par cette version de Blue Moon Safari dépasse le simple cadre du remix : peut-on revisiter une œuvre parfaite sans la dénaturer ? Dans ce cas précis, la réponse semble pencher du côté du non. Car même si Vegyn apporte sa patte, il ne parvient pas à transcender l’original. Son interprétation, bien que dense, apparaît comme un exercice de style qui manque d’âme. Elle intéresse l’oreille mais ne bouleverse pas le cœur.

On touche ici à une limite fréquente dans l’art de la relecture : à trop déconstruire, on finit par perdre le fil émotionnel qui liait l’auditeur à l’œuvre originale.

Conclusion : une expérience à écouter

La version de Blue Moon Safari par Vegyn mérite d’être écouté, ne serait-ce que pour l’exercice qu’il représente : une tentative de collision entre deux univers musicaux très différents. C’est une expérience auditive, presque conceptuelle, qui plaira aux amateurs d’électronique expérimentale. Mais pour les amoureux de Moon Safari, cette relecture risque de laisser un goût de trop peu, ou de trop loin. Car certains albums n’ont pas besoin d’être revisités : ils existent hors du temps, complets dès leur naissance.